Le chemin des Collines sur la carte de Belleyme

 

 

Sur la carte de Belleyme, on lit  Coulines . Le chemin des Coulines  traversait les vignes du palud en faisant un coude qui existe encore. Il était bordé par les propriétés Terrevieille, Artigon, Viale, Grimard, la Goute, Bonhomme.

Le chemin des Collines se terminait par le port des Collines qui fut, sans aucun doute, la partie la plus vivante et la plus active de la commune jusqu'à la fin du XIXeme siècle.

Le chemin des collines ... vu par l'abbé Pareau
"Le chemin des collines, propre, solide, bien entretenu, part du hameau du Marais et traverse, avec une légère courbe, toute notre palus en face de l'église. Ce nom "des collines" lui vient, croyons-nous, de ce qu'il est, depuis Bordeaux, le premier chemin qui tombe perpendiculairement sur une colline. La Souys, Vimeney aboutissent à des vallées."
Cette explication me paraît bien discutable. En effet, pour couline, j'ai trouvé dans le dictionnaire de Mistral : • "Fond d'une vallée par où l'eau s'écoule, thalweg d'une vallée, partie la plus basse d'un champ, bas-fond", de l'équivalent du français couler
"Colline, côté".
Ces éléments permettent d' envisager le chemin des coulines comme le chemin traversant la partie la plus basse, le bas-fond du village, là où les eaux naturelles coulent vers la Garonne.


Le document ci-dessus, extrait du cartulaire de Saint-Seurin, montre qu'il existait un lieu appelé les Coulines  avant 1748. Il est donc raisonnable de proposer que collines est une déformation du terme coulines.

Le 1er mars 1827, le maire fait publier les règlements de  circulation sur les chemins de Bouliac pour éviter la détérioration de ces chemins par des charrettes trop chargées de barriques ou de pierres. Mais ces règlements sont très souvent violés et le 2 septembre 1829, dans une lettre au préfet, le maire fustige sévèrement ""les coupables qui journellement et nuitamment chargent toutes les fois que l'occasion s'en présente 5, 6, 7 et 8 barriques de vin (pendant qu'un tonneau serait plus que suffisant)." Le 20 octobre 1829, il dresse procès-verbal contre des bouviers et note : "les bouviers ont répondu insolemment qu'ils voulaient charger 5 barriques et qu'i s se f.....du maire... les ayant rencontré au second voyage à la descente du chemin du Picquet, je les ai sommés au nom de la loi de me dire leur nom et leur résidence, ce qu'ils ont obstinément refusé de faire..." Le 5 février 1834, à 9 heures du matin, au bas de la côte du Piquet, les procès-verbaux pleuvent : sont pris Bertrand Bouluguet et Jean Moreau, charretiers habitant au bourg, chargés de 6 barriques chacun, Daureau, charretier habitant Latresne, portant 5 barriques et les frères Couronau, de la même commune, 6 barriques, tous en contravention aux règlements établis le 1er mars 1827. Le Maire s'emporte contre ces charretiers en écrivant danss le procès-verbal :
"Rien n'égale l'audace, l'effronterie et l'impertinence de ces individus notamment des frères Couronau qui méritent toute la sévérité des lois... les frères Couronau sont récidivistes, ils ont comparu déjà devant le tribunal."

                                    Le 15 mars 1835, les frères Couronneau (les récidivistes), charretiers de Latresne, sont pris en flagrant délit, le dimanche de 7 à 8 heures matin, "car rien n'est respecté par ces individus"; ils ont parcouru le chemin des Collines avec une charge de 1800 kilogrammes au lieu de 1000 (limite légale); le maire écrit dans le procès-verbal : "il n'est plus possible d'en imposer à ces hommes qui sont constamment à donner le mauvais exemple et à enfreindre le règlement."

Le 29 août 1830, le maire adresse une lettre de remerciements à M. Johnston pour les 400 francs qu'il a donnés à la commune pour la réparation du chemin des Collines.

Dans une lettre du 6 septembre 1830, dans une lettre au préfet, le maire fait mention du "BAC, ou le passage dit des Douze Portes" et souligne que "Depuis l'établissement de la digue, tous les ports riverains à partir du port des Collines à Bouliac jusqu'au port de Bordeaux ont été complètement détruits par les alluvions. La commune de Bouliac perdit son port de Vimeney. On reconnut en 1825 la nécessité de réparer le port et le chemin des Collines, seul point de communication existant avec la rivière depuis la Bastide."

Le 15 mai 1831, le maire demande au préfet l'autoristion de créer un droit de péage pour circuler sur le chemin des Collines qui sont continuellement détériorés par les habitants de Floirac, Tresse, Latresne, Cénac et Carignan.

En mai 1833, les transports sont si importants, que  le maire crée au port des collines "un droit de plaçage... sur les divers produits et marchandises que transportent les communes environnant, qui par les fardeaux et la fréquentation continuelle du chemin...y causent des dégradations considérables..."

Le 3 janvier 1840, le maire dresse procès-verbal contre André, entrepreneur de travaux demeurant à Bordeaux... qui a déposé une quantité considérable de gravier au port des Collines, sans autorisation.

Le 24 mai 1840, le Conseil souligne que "depuis le pont de Bordeaux jusqu'aux collines de Bouliac   il n'y existe aucun autre port sur la rive droite de la Garonne pour embarquer et débarquer les denrées et divers matériaux."

"Les ports" de Floirac à Bouliac

Les informations données ci-dessous sont extraites de l'article : Typologie et fonctions des ports du Bordelais (Fin XVème - Début XVIème siècle) de Michel Bochaca , Université de La Rochelle, 2008, 63-83.
On peut consulter ce document à l'adresse suivante : http://institucional.us.es/revistas/revistas/historia/pdf/35/04%20michael%20bochaca.pdf

A la fin du XVIIème siècle, il existait 9 ports sur les 4 kilomètres de rive des paroisses de Floirac et de Bouliac. Pas des ports comme on l'entend actuellement mais de simples zones d'échouage offertes par la nature. Tous étaient situés à l'écart des habitations et avaient pour fonction d'assurer l'échange des denrées nécessaires à la vie de la paroisse. Certains étaient établis sur les alluvions du fleuve, d'autres s'abritaient dans un étier (estey en gascon). Aucun d'eux ne se nichait dans une crique creusée par le flot dans le plateau calcaire comme ceux que l'on trouve sur la rive droite de la Gironde, au nord de Bordeaux. Les infrastructures étaient réduites au minimum : quelques pieux d'amarrage et, dans certains ports privilégiés, quelques palplanches soutenant les rives boueuses et instables. une forte planche posée entre le bateau et la berge permettait le chargement et le déchargement des bateaux.

 Les deux ports de Bouliac

Le port d' Andissans, qui au XIXème siècle prendra le nom de port de Vimeney (n°8), était établi sur l'embouchure du ruisseau La Jacotte.

Le port de Figueyroux, qui au XIXème, était appelé port des Collines (n°9), se trouvait à l'extrémité du chemin des Collines conduisant au bourg de Bouliac ( au sommet de la colline).

"Desservis par des gabarriers, ces ports embryonnaires servaient de point d'embarquement et de débarquement. Hommes, bêtes et marchandises diverses franchissaient ainsi le fleuve, en particulier les récoltes... Bien qu'établis dans des zones rurales, le rôle de ces ports "embryonnaires" ne peut se comprendre qu'en relation avec les villes et les bourgs environnant dont ils assuraient la desserte."
Michel Bochaca

Le port des Collines ... mis en vers par l'abbé Pareau
"Ce port, situé au bout de notre chemin des Collines, a eu, jusque vers l'an 1865, une grande importance. Là, s'embarquaient chaque année, des milliers de pierres, tout le vin de la région, sans parler des autres denrées. Là, se débarquaient aussi, pour nos routes, des monceaux de gravier.
Un bateau, que nos archives appellent BAC des Douze PORTES, passant et repassant, transportait, chaque jour, d'une rive à l'autre, de nombreux voyageurs."

Extrait du plan cadastral napoléonien de 1824
A droite, le domaine Lannegrasse à l'extrémité du chemin de la Matte (qui sépare Bouliac de Latresne). Au centre : le port  des Colines (!!!). On remarquera que ce  port n'est pas situé sur un estey et qu'il est traversé par un chemin de 5 mètres de large environ (le chemin du bord de l'eau).

 

Le chemin du bord de l'eau reliait le Port des Collines et le Port de Vimeney sur l'estey de Vimeney. Aujourd'hui, le domaine de Bonneau a cédé la place au centre commercial Auchan.



 

Extraits du plan non daté du cours de la Garonne longeant les communes de Lormont,Cenon, Floirac, Bouillac (sic) et Latresne  de  l'ingénieur Jean-Baptiste  Billaudel.
On remarquera deux déficiences orthographiques : Bouillac pour Bouliac, et Villemeney pour Vimeney.



Remarque :  On a du mal à imaginer l'intensité des activités du port des Collines. Cependant, de nombreux documents communaux permettent d'en avoir une représentation fidèle. Ainsi, le 19 mai 1841, le maire Pierre Laumet fait publier un arrêté "contre l'encombrement du quai du Port des Collines" dans lequel on lit : "Il est défendu à qui que ce soit de laisser séjourner plus de vingt quatre heures, aucun dépôt quelconque sur le quai..."

Un emprunt aux archives du Conseil Municipal de l'Isle Saint-Georges nous donne quelques informations sur la nature et le coût des transports pour un passage entre les deux ports deCambes et de l'Isle Saint Georges. On observera que l'étendue des ports est la même qu'à Bouliac, que  la largeur de la Garonne à Bouliac est peu différente de celle de Cambes. On peut donc supposer que  ces informations sont valables pour Bouliac.


L'abbé Pareau complète sa courte description, donnée ci-dessus, par un long poème dont je ne reproduis ci-après qu'une partie, celle qui donne quelques indications sur la nature des marchandises qui transitaient par le port et sur les activités humaines en ce lieu remarquable.

"Notre vieux port n'est plus. Seule la vase immonde,
Que chaque jour dépose l'onde,
Se voit maintenant en ce lieu.

Le flot n'y bondit plus sous la rafale,
Ni, du profond des cieux,
Le soleil radieux
Argentant mer étale,
Ne se mire à loisir dans son sein transparent ;
Ni la vive hirondelle,
De son aile
Ne l'effleure en passant ;
Ni le baigneur, de sa nacelle
Qui vacille, chancelle,
Ne s'y jette en plongeant ;
Des vergers de la côte,
A la petite flotte
Voguant vers la cité,
Ne viennent plus, l'été,
La cerise vermeille,
La prune
, la groseille,
Les fleurs de nos jardins,
Nos frais raisins,
A tête blonde !

Pesants graviers
En bâche profonde
Pour chemins et sentiers ;
De nos celliers,
Fontaines fécondes,
Rouges, blanches liqueurs,
A tous buveurs
De notre Gironde
Donnant riche faconde,
Même au muet ;
Cric, crac des gabares
Dansant sur les amarres ;
Pas du menuet ;
Odorante cuisine
Des mousses en cabine ;
Foutu ! Fouty !
Du passant le cri ;
Le grand Barthélémy,
Humant l'air de la rive,
Quant tout dérive,
Le soir, le bac, chaland,
Et passager comptant
Vente qui sera ronde...

Tout a passé comme l'onde
Devant cet ancien port, jadis si florissant ;
Plus rien. Sous ton baiser, doux zéphyr caressant,
Ne frémit pas même la plus petite voile.

Remarques : (1) J'ai souligné dans ce poème cerise vermeille et prune car ces deux fruits étaient bien connus dans la région bordelaise, à la fin du XIXème siècle, comme le montre l'extrait ci-dessous.
Extrait de  : La pomologie française, Bulletin de la Société Pomologique de France,1896


(2) Le Bac des Douze Portes, qui portait les bouliacais  au port des Douze Portes à Bègles, était exploité par des agents, agréés par le gouvernement, appelés fermiers ; il avait des concurrents illégaux  comme le prouve le document suivant dans lequel le maire s'adresse à la fermière des Douze Portes :" ...et comment se fait-il que vous voyé (sic) passer sous vos yeux sans les réprimer ... sans venir devers moi se plaindre que des embarcations qui n'en avaient nullement le droit se permettre de faire concurremment le service du passage avec les fermiers."

(3) Le port des Collines aurait pu voir d'étranges machines le visiter . En effet, le 29 décembre 1840, M. Félix Pierre Malivert s'est présenté au maire Laumet et s'est déclaré "l'inventeur d'un système de halage, composé d'une voie, consistant en une digue ou portions de digue et de ponts en bois et en pierre pour former depuis Bordeaux jusqu'à Toulouse une ligne continue sur laquelle doivent être placés des rails et des machines locomotives afin de haler les bateaux tant à la remonte qu'à la descente."

Jean Drouillard, au port des Collines, a dû être un bon gabarier car le maire lui a décerné, le 14 août 1831, un  certificat de "bonne conduite" . Mais quelle contravention   en matière de navigation a été commise par  le sieur Grenier en mars 1850 qui justifie l'amende de 16 francs fixée  par arrêté préfectoral. Concurrence illégale au Bac des 12 portes ? Quoi qu'il en soit, le sieur Grenier refusa de signer la déclaration de notification le 13 mars 1850, devant l'adjoint au maire, M. Cardonnel.



Le déclin du Port des Collines

 

Le déclin du port des Collines suivit rapidement le développement de la navigation à vapeur sur la Garonne. Le 12 mai 1857, le Conseil fait remarquer que "il n'existe plus dans notre commune qu'un seul maître de bateau, d'où il résulte que les transports de toute nature de Bouliac à Bordeaux...qui, antérieurement se faisaient par le fleuve, s'opèrent actuellement par voie de terre..."

 

 

Le 25 septembre 1859, le Conseil "accepte à l'unanimité la proposition de Mrs les ingénieurs qui détermine ainsi qu'il était les limites du port du Bac des Douze-Portes


Ce document nous apprend que, sur une distance de 1 kilomètre, seul le bac des Douze Portes était autorisé à faire la traversée de la Garonne entre le port des Collines de Bouliac et les Douze Portes à Bègles.



 

L'agonie du Port des collines commence. Le 5 avril 1872, le conseil "consulté sur la suppression du Passage dit des 12 Portes, en présence de l'escale que les compagnies des Hirondelles et des Gondoles font à toutes les heures tant à l'aller qu'au retour, à Bègles et aux Colline, ne s'oppose pas à la suppression de ce passage."

Le 17 février 1878, le Conseil admet "qu'il y aurait lieu de faire à neuf une cale au bord de l'eau au port des collines, la cale actuelle est envasée complètement..." Ce constat permet d'imaginer que l'activité du Port des Collines s'est considérablement dégradée depuis 1872 à cause de la mise en service du train Bordeaux-La Sauve,mai 1873.














Cet extrait du plan cadastral napoléonien de Bègles  montre l'emplacement du port des Douze Portes à Bègles,  à l'embouchure de l'estey de Franc, très près du château  de Franc que l'on peut encore voir en 2012.
Au bord du fleuve, à droite, le carré rouge représent La Chapelle.




 

 

 

 

Sur cette photo satellite prise en 2012, on distingue :

(1) en bord de Garonne, l'entrée de l'estey de Franc qui constituait le Port des Douze Portes.

(2)sur la gauche, le château de Franc.

Pour aller plus loin




 

L'auberge du Marais au carrefour du chemin des Collines vers 1900
A gauche : l'entrée du sentier de l'Ermitage. A droite : l'entrée du chemin des Collines, la voie principale de circulation, avec l'auberge du Marais qui fait l'angle..
En face : la route vers Latresne.


L'auberge du Marais, est une des plus vieilles auberges de Bouliac et certainement la plus active en raison de sa situation au croisement de la route Floirac-Latresne avec le chemin des Collines, axe vital de la commune depuis des siècles.

En 1874, Bouliac comptait 5 auberges : celle du Marais était tenue par M. Meillan et celle de l'Espérance, au bourg face à l'église, par M. Serre. Elles sont encore en service en 2009. Les trois autres avaient pour propriétaires : MM. Baudet, Cazeaux et Campagne.

Le 7 août 1927, le Conseil donne un avis favorable à la demande présentée par M. Paul Olivier, en vue d'établir, sur le trottoir de son immeuble, un distributeur automatique d'essence alimenté par une canalisation souterraine et fixe la redevance annuelle à 150 francs. En 1938, apparaît un nouveau distributeur au nom de M. Vidal. Ces deux distributeurs fonctionneront jusqu'au début des année 1960.

Je me souviens...(Claude simounet)

des deux pompes à essence qui ont existé à Bouliac : celle qui était devant l'auberge Bikini, qui deviendra auberge du Marais et celle placée, sur le trottoir opposé devant le bar appelé "Chez Anna", ou chez "la Pinarde" (surnom donné par des mauvaises langues certainement !)

Je me souviens...  (Daniel Binet)

Dans les années 58-60 , je fréquentais l'auberge située au lieu dit Bikini maintenant "Auberge du marais ", route de Latresne . Ce commerce était tenu par une famille d'origine alsacienne , les Peter... Je suppose qu'avant 1958 , le propriétaire initial était Beylot et c'est lui qui a vendu le commerce  à la famille Peter ...   Les Peter étaient d'origine alsacienne et avant d'acheter à Bouliac , possédaient une exploitation agricole dans les environs de Bazas . C'étaient des gens très entreprenants - je connaissais très bien cette famille - qui savaient bien gérer leur commerce de Bouliac . Ils faisaient bar , servaient occasionnellement à manger et avaient ouvert une petite charcuterie avec des produits qu'ils confectionnaient eux - mêmes . Ils faisaient même des bals, bien modestes, avec un tourne-disque. La télévision , rare à l'époque, attirait du monde . Voilà tout ce que je peux dire sur le BIKINI de l'époque . C'est loin - J'ai 79 ans. "


D'après des informations que m'ont données des bouliacais ayant habité près de l'auberge, les Peter auraient été remplacés par les Danty suivis par les Paulet.

L' Auberge du Marais fut achetée par Lucienne Paulet, mère de Jean-Marie Amat, en 1963. Cette propriété comprenait : une épicerie, un restaurant, une station d'essence et des chambres de pensionnaires.

L'auberge a été baptisée "Bikini" quelques années après les expériences nucléaires des Américains(à partir de 1946) sur l'attoll Bikini dans le Pacifique.

Les propriétaires d'alors (Danty) s'emparèrent de ce nom pour nommer leur café et rendirent l'évènement célèbre à Bouliac par une grande peinture murale représentant une île avec ses palmiers, sa plage, la mer autour avec quelques enfants très bronzés jouant au bord de l'eau. Je ne me souviens pas si une fille en "bikini" se dorait sur la plage ! 

Cliquez sur : Sentier de l'Ermitage pour compléter votre lecture sur les auberges de Bouliac;

Le Marais vu du chemin de l'Ermitage vers les années 50


Le chemin des Collines en 2009

Le départ du chemin des Collines : en face, on aperçoit le début du chemin de l'Ermitage qui conduit à l'église.
A gauche : on va vers la rocade et Floirac. A droite : on va vers Latresne et Carignan. A l'angle, à droite: l'Auberge du Marais
 

Le premier accident de passage à niveau à Bouliac

L'abbé Eugène Pareau, auteur de Bouliac au XIXeme siècle, raconte cet accident tragique :

"Ce chemin a eu, comme celui de Vimeney, son évènement tragique. Le 18 août 1879 à 8h 1/4 du matin, Pierre Maney, venant de Pessac, lieu de sa résidence, charger de la pierre aux carrières de La Tresne, fut surpris par le train, au passage à niveau. Ce pauvre homme, dont l'unique dieu était le travail et qui donnait à ce dieu terrible, sans entrailles, les semaines, les dimanches et les fêtes, les nuits et les jours, dormait étendu sur sa charrette. Sous le choc, le lourd véhicule se brisa, se broya, fut réduit en miettes, les deux chevaux qui avaient juste dépassé la ligne ferrée restèrent intacts, mais le malheureux conducteur, projeté au milieu des débris, eut littéralement la tête tranchée et lancée à 15 mètres du tronc...
Nous avions sollicité vainement jusqu'à ce jour l'établissement d'un gardiennage. L'infortuné Maney était à peine enseveli que la Compagnie s'empressa de l'accorder ! Et dites, après cela, que ces gens-là manquent de prévoyance."

Le même accident est rapporté dans le registre communal, le  24 août 1879  : "Un membre entretient le conseil de l'affreux malheur qui est survenu sur la ligne du chemin de fer de Bordeaux à la Sauve, au passage à niveau, situé sur le chemin vicinal des Collines... Il rappelle que le 18 août courant, à huit heures et un quart du matin, le nommé Maney Pierre, charretier à Pessac, ayant sa charrette, sur laquelle il était monté, engagée sur la voie, au moment du passage du train, a été tué et littéralement décapité, puisque sa tête a été lancée à 15 mètres du lieu de l'accident et son corps à 30 mètres du même lieu.Ce membre ajoute qu'en présence d'un tel malheur, qui peut se renouveler à chaque instant,le conseil, pour dégager entièrement jusqu'à sa responsabilité morale, ne doit pas hésiter à demander de nouveau qu'un garde-barrière soit posté au passage à niveau du chemin des Collines."

 

Quelques années plus tard, un autre accident tragique allait se produire au passage à niveau du chemin de Vimeney.

 

Le chemin des Collines en regardant vers l'église (en haut, à gauche)

 L'ancienne gare du train Bordeaux-La Sauve: c'est là que Pierre Maney "fut surpris par le train.

L'ancienne voie  en regardant vers le chemin de Vimeney, à droite la gare.                                Le chemin des Collines est coupé par la voie rapide Bouliac-Latresne




   L'arrivée au bord de la Garonne : le port des Collines. On perçoit la digue (la matte).                                                                          Le port des Collines
                                             En arrière plan : Bègles et le pont François Mitterand                  Fin du chemin en regardant l'église que l'on devine, très loin, sur la colline, dans l'axe du chemin



Changement de nom : le chemin des Collines est devenu l'impasse des Berges.



C'était, autrefois, le Port des Collines. Dans les années 60 à 70, je venais ici, dans la maison de droite,
acheter des aloses en avril et en mai
                                    
 


Je me souviens...par Jean Balde
Jean Balde (de son vrai nom Jeanne Marie Bernarde Alleman) est un écrivain bordelais né à la fin du XIXeme siècle (née le 14 mars 1885 à Bordeaux, morte le 8 mai 1938 à Latresne). Elle a écrit une vingtaine d'ouvrages, la plupart consacrés à l'Aquitaine. Dans La Maison au bord du fleuve elle évoque la vie bordelaise et celle de la région girondine.

"Pâques ramenait les pêcheurs d'aloses. Ils couchaient dans une cabane et avaient établi un tresson sur une petite place. J'eusse passé des heures à regarder ces hommes jeter leur filet. Les lièges décrivaient un cercle immense sur l'eau scintillante. Le moment passionnant était celui où une équipe, tirant à pleins bras, ramenait sur la berge la poche gigantesque. Travail pénible !..aux dernières brassées le filet était plein de bonds et de soubresauts. Le grouillement d'argent des aloses jetées sur la berge rappelait la pêche miraculeuse. Les violets, les roses, les ors verdâtres étincelaient sur l'écaille fraîche. Le retour des pêcheurs, débordant de leur butin encore agité de tressaillements, ou chargeant sur l'épaule leurs lourds mannequins, prenait l'allure d'un triomphe".

En quittant le Port des Collines, en allant vers Floirac:

                          les ruines d'un "bourdieu" ?

Bourdieu est un terme qui vient du gascon (bordiu) et désigne, initialement, une maison de ferme. Par extension, il désigna un ensemble de biens à la campagne. Au XVIIIème siècle, cet ensemble comprenait le logement du maître, le logement du cultivateur, le cuvier, le chai et, tous bâtiments liés à l'activité du domaine ainsi que vignes, terres, prés, jardin potager et certains éléments d'agrément tels que charmilles et parterres. L a superficie d'un bourdieu pouvait varier de 15 à 30 hectares environ.



 


Ce plan daté de 1891 montre le réseau de circulation en Gondoles  permettant d'aller à Bordeaux en partant du port des Collines.

 

 

Ces gondoles, appelées Hirondelles, allaient jusqu'à Cadillac.

 

 

 

 La ligne Bordeaux-Cadillac  pouvait prendre des passagers au Port des Collines à Bouliac, puis à Monte-Cristo à Floirac. Après avoir traversé la Garonne, la Gondole faisait un arrêt Porte de la Monnaie, quai Sainte-Croix, puis un arrêt Quai de la Douane, au niveau de l'église Saint-Pierre. Enfin, elle traversait, à nouveau, le fleuve pour atteindre le débarcadère entre le pont de Pierre et  la gare d'Orléans (actuellement Complexe Mégarama).

 

 

 

Le voyageur pouvait associer tramway et Gondole. Le tramway le conduisait du port des Collines au terminus ( près de l'actuelle caserne des pompiers). De là, une marche, de 300 mètres environ,  le conduisait à l'embarcadère de la Gondole, face à la gare d'Orléans.

 

Je me souviens...par Patrice Clarac
Dans Gens de mer, gens de rivière en Gironde au XXe siècle (2004) Patrice Clarac a écrit :
"Moi, de tout temps, j'ai toujours eu envie de voyager. Faut vous dire qu'en 1935 à l'âge de treize ans, j'ai navigué sur les "gondoles", j'étais mousse ; j'amarrais le bateau devant et un autre mousse l'amarrait derrière. A bord nous étions quatre avec un patron et un mécanicien chauffeur. Ca circulait. On ralliait Bordeaux-Bastide à Lormont. Le dimanche, selon le temps et les marées, on allait jusqu'au Bec d'Ambès. On partait généralement avec le jusant et sur place on attendait le flot pour revenir. J'y travaillais pendant les congés et parfois les gens nous donnaient une pièce. Après la Deuxième Guerre mondiale, ces services ont complètement disparu. La dernière d'entre elles sera transformée en 1946 et deviendra remorqueur.
Il existait plusieurs sociétés de gondoles : les Crapauds, les Hirondelles, les Magiciennes, et les Courriers. Les Crapauds faisaient la traversée de Richelieu (de la rive gauche jusqu'à la Bastide rive droite). Les Hirondelles reliaient Bordeaux, Lormont, Saint-Louis-de-Montferrant et Bourg, ainsi que Bordeaux, Langoiran et Cadillac.
Les Magiciennes reliaient Bordeaux-Royan avec des arrêts à Blaye, Pauillac, Saint-Estèphe, Saint-Christoly et le Verdon. D'autres reliaient Bordeaux, Blaye, Mortagne, Talmont, Meschers, Royan. Les Courriers reliaient la ligne Bordeaux-Royan".

 

C'est la Compagnie des Hirondelles qui fut la première créée (1867).  Ses embarcations, fabriquées à Bordeaux, non couvertes,  ne dépassaient pas 22 mètres. Elles était toutes porteuses d'une haute cheminée et de grands panneaux publicitaires vantant des produits bordelais célèbres : "Bénédictine de Soulac", "Cafés Masset", "Picon"...
Elles assuraient un service régulier, à horaires fixes, pour passagers à classe unique et marchandises.

Je me souviens...d'après Jean Balde

Jean Balde (de son vrai nom Jeanne Alleman) est un écrivain bordelais né à la fin du XIXeme siècle. Elle a écrit une vingtaine d'ouvrages, la plupart consacrés à l'Aquitaine. Dans La Maison au bord du fleuve elle évoque la vie bordelaise et celle de la région girondine. Elle a bien connu les Hirondelles comme le montre l'extrait suivant :

"Sur le quai, tout près du ponton de la Bourse, où nous prenions, pour aller à La Tresne, un petit bateau d'un vert de grenouille, nullement vénitien, que l'on appelait "la gondole ... ".



L'embarcadère du quai Sainte-Croix avec une Hirondelle accrochée à son ponton, dressant sa grande cheminée.  Au fond, la passerelle Eiffel cache les coteaux de Floirac et Bouliac.   

Une Hirondelle   portant trois panneaux publicitaires :
 "THIERY & SIGRAND", "JE NE FUME QUE LE NIL", "VICHY CELESTINS".
 


Le débarcadère entre le Pont de Pierre et la gare d'Orléans  avec

 une Hirondelle allant vers la place de La Bourse et une autre

 venant du Quai Sainte-Croix, avec quelques Bouliacais peut-être!

        


L'embarcadère de Monte-Cristo vers 1907 avec une Hirondelle de la ligne Bordeaux-Cadillac qui prenait des passagers au Port des Collines.
Elle porte un panneau publicitaire pour la pharmacie Bousquet, bien connue des Bordelais.

Au loin, on devine la flèche de Saint-Michel.


Photo d'une maquette de gondole  prise au Musée d' Aquitaine en 2012